Ce blog me suivra durant mon périple autour du monde et j'espère que vous partagerez un peu ce que je vis...

mercredi 28 avril 2010

Sankat Mochan Foundation: l'avenir du Gange à Varanasi



Sankat Mochan Foundation

Objectifs :

Restaurer le Gange au travers du traitement de l’eau et de la sensibilisation des habitants de Bénarès.

Bénarès est la ville la plus sainte pour les indous. 60000 pèlerins et dévots hindous viennent quotidiennement à Vârânasî pour y pratiquer ablutions et pûjâs le long des ghâts. Le bain dans le Gange est censé laver de tous les péchés. Le Gange est aussi le lieu de baignade et de lessive pour les plus démunis. Cependant de nombreuses études montrent qu’au delà du caractère sacré du Gange, il est loin d’être propre. Effectivement, le problème des rejets d’eaux usées domestiques ou industrielles dans le Gange n’est pas une découverte. Bénarès est une grande ville générant 300 millions de litres d’eaux usées par jour. En 1986, le projet Ganga Action Plan (GAP) devait permettre en plusieurs étapes de retrouver des paramètres permettant la baignade et l’utilisation de l’eau du Gange pour la cuisine et la boisson. Une association Sankat Mochan Foundation a crée un laboratoire d’analyse afin de suivre l’évolution du projet en mesurant quelques paramètres (demande biologique en oxygène, coliforme fécaux, pH, oxygène dissous, turbidité et matières en suspension) dans l’eau pendant plus de 12 ans.

Les résultats sont alarmants :

- Demande biologique en oxygène (BOD) de l’ordre de 40 mg/L

- Nombre de coliformes fécaux : 42000 à 20000000 MPN/100 ml

Les normes indienne et européenne pour une eau de baignade sont :

- BOD inférieur à 30 mg/L (Inde) et 24 mg/L (UE)

- Coliformes fécaux : 2500 MPN/100ml (UE et Inde)

A Vârânasî et sur une année, Hamner et al. Ont observé que 66% de la population développerait une pathologie (problèmes gastro-intestinaux, choléra, dysenterie, hépatite-A ou typhoïde) liée à l’utilisation de l’eau du Gange (baignade, cuisine…).

Etat des lieux aujourd’hui à Varanasi :

Les différents projets (Ganga Action Plan) ont abouti à la construction de trois usines de traitement pour dépolluer les eaux usées de Bénarès :

- Une usine capable de traiter 80 millions de litres de rejets par jour située à 16km

- Une usine capable de traiter 12 millions de litres de rejets par jour située à 2km

- Une usine capable de traiter 8 millions de litres de rejets par jour située à 2 km

Ces usines sont dépendantes électriquement. Les coupures de courant, fréquentes en inde, occasionnent l’inefficacité de ces centrales et le rejet direct des eaux usées dans le Gange. Donc les usines ne fonctionnent pas à 100% de leur capacité. A cela s’ajoute la mousson durant laquelle une augmentation importante du niveau et du débit du Gange occasionnent l’arrêt du pompage et du drainage des eaux usées vers les unités de traitement.

En faisant un bref calcul, il apparait évident que le projet GAP ne peut réussir :

Bénarès : 300 millions de litre de rejet par jour – Capacité de traitement : moins de 100 millions de litre par jour = plus de 200 millions de litre de rejet dans le Gange par jour.

Les mesures faites par SMF montrent aucune amélioration des paramètres du Gange durant tout le temps du monitoring (pour plus d’information, site SKF ou Hamner et al., 2006)

Historique de l’association

Cette association fut fondée en 1982 par des résidents et des ingénieurs de Varanasi. Son président est le Pr Veer Bhandra Mishra, responsable du département d’ingénierie civile à Banaras Hindu University et aussi Mahant du Temple Sankat Mochan. En 1992, le « Swatcha Ganga Research Laboratory » est crée avec le soutien de la « Swedish Society for Nature Conservation », il permet de suivre l’évolution des paramètres biologiques et bactériologiques du Gange en différents points de Bénarès. En 1998, le « Swatcha Ganga Environmental Education Centre » est installé à Vârânasî avec le soutien de l’association environnementale « OZ-Green », il apporte un support efficace aux travaux de sensibilisation et d’échange sur la pollution du Gange et les solutions pour réduire l’empreinte de chaque habitant sur la pollution du Gange.

SMF propose depuis plusieurs années une alternative en soulevant trois points

1) Changer les habitudes des habitants de Bénarès car 95% de la pollution du Gange provient des eaux usées. Ils organisent régulièrement des réunions de rues, des discussions avec les femmes, les bateliers, les pécheurs, les prêtres, des séances d’information et de sensibilisation dans les écoles, etc. En réduisant le volume d’eaux usées, il sera plus facile de rattraper le trou entre la capacité de traitement actuel et le volume de rejet. Ce travail est long et nécessite beaucoup de patience, de pédagogie et de motivation des membres de l’association. Lors de ma rencontre avec R.K Mishra (responsable du laboratoire d’analyse de Sankat Mochan Foundation), il a su me prouver qu’après plus de 18ans de travail, il a toujours une vraie motivation sincère et joyeuse.

2) Drainage des eaux usées :

a. Création d’un drain entre la dernière ligne de bâtiment et la rivière. Ce drain est dimensionné pour drainer naturellement toutes les eaux usées (par gravité) vers le centre de traitement en aval. L’avantage est de ne nécessiter aucune énergie électrique ni pompe. Le design (pente et diamètre) du drain prend en compte les crues (augmentation de la pression sur les drains) et assure une vitesse d’écoulement.

b. Les drains iront vers un centre de traitement situé à 8 km en aval de Bénarès.

3) Installation d’une usine de traitement de 300 millions de litre d’eaux usées avec la technologie AIWPS (Advanced Integrated Wastewater Oxidation Pond System). La technologie retenue est issue des travaux de scientifiques de Berkeley (W. Oswald et Bailey Green). Cette technologie brevetée est utilisée aux USA. Les quatre avantages majeurs de cette technologie sont :

a. son faible coût

b. peu d’énergie

c. élimination des bactéries

d. aucun résidu

Principe : technologie basée sur une fermentation anaérobie produisant du méthane et la culture d’algue produisant une forte oxygénation par photosynthèse.

1) Bassin profond de fermentation :

a. Ce bassin est maintenu en atmosphère anaérobie,

b. Il permet une fermentation totale des matières organiques,

c. Ce bassin de fermentation élimine la totalité des particules solides et réduit de 60% la demande biologique en oxygène (BOD) (Veer Bhadra Mishra, 2005),

d. Les pesticides sont biodégradés dans ce bassin (Veer Bhadra Mishra, 2005),

e. Les métaux lourds seraient aussi retenus (Veer Bhadra Mishra, 2005),

f. La fermentation des matières en suspension produit du méthane qui est captée et converti en énergie.

2) Bassin de culture d’algue

a. ce second bassin possède une hélice de mélange permettant la culture d’algue et le re-largage de l’oxygène issue de la photosynthèse.

b. Les conditions de cultures des algues sont optimisées pour les rejets. Les algues absorbent tous les nutriments.

c. L’augmentation du pH liée à l’hyper-oxygénation du milieu permet de précipiter le magnésium et le calcium.

3) Bassin de contrôle des algues

a. Ce bassin permet de faire sédimenter les algues afin de les récupérer au fond ou de les pomper puis de les drainer sur un filtre à lit sec.

b. Il n’est pas nécessaire de récupérer toutes les algues dans ce bassin car elles peuvent servir de nourriture à des poissons si les conditions sont acceptables pour la vie des poissons et des algues. Les algues constituent un excellent fertilisant.

4) Bassin de maturation

a. Les eaux sont maintenus 10 à 12 jours dans ce bassin afin d’assurer un niveau de désinfection acceptable pour l’irrigation.

b. Les algues peuvent être utilisées pour nourrir les animaux. Ainsi des carpes ou des poissons chats peuvent être élevés dans ces eaux.


Aujourd’hui, ou en sont ils ?

Le projet d’une usine pilote (37 mld) proposé par SMF a nécessité un approfondissement de la proposition (demandé par le gouvernement indien). La réponse est espérée d’ici 6 mois par R.K. Mishra et les membres de SMF.

Les résultats de cette usine pilote conditionnent l’avenir de ce projet si bien sur le projet est retenu par le gouvernement indien…

Comme l’a dit Veer Bhandra Mishra dans une conférence : « nous avons commencé a travailler quand nos cheveux étaient noirs, nous sommes toujours en train de travailler pour dépolluer le Gange alors que nos cheveux sont gris. (…) Nous conservons toujours le même enthousiasme qu’en 1982 » (Veer Bhadra Mishra, 2005)

Tous les ans le 22 mars une chaine humaine est formée le long des ghâts de Bénarès pour la journée mondiale de l’eau. Elle a réuni plus de 10000 personnes cette année…

Le problème de pollution des eaux de surface par les rejets urbains est un problème majeur en inde. Les sources d’eau ne sont pas inépuisables et l’argent investit dans les différents projets de traitement et de captation des eaux usées (pour le Gange : GAP-I, GAP-II, pour la Yamuna : YAP-I, YAP-II, etc.) est loin d’avoir atteint les buts fixés. Aujourd’hui et malgré des investissements conséquents dans les projets de dépollutions (51 milliards de roupies soit plus de 8 milliards d’euros dépensés uniquement pour le Gange), de nombreuses rivières en Inde restent très largement polluées.

Au delà de l’ajout de nouvelles canalisation et de nouvelles unités de filtration, la réflexion doit aussi se porter sur la réutilisation de l’eau et des déchets du traitement ainsi que sur les coûts d’exploitation et d’entretien des systèmes de canalisation et de traitement. Un ouvrage du « Center of Science and Environment » pointe du doigt le coût de maintenance des canalisations, les problèmes de pompage, la faible efficacité des unités de filtration lié aux problèmes de maintenance et d’énergie ainsi que les longues distances entre les unités de filtration et les lieux de collecte des eaux usées.

La refonte des projets de captation et de traitement des eaux usées nécessitent de nouvelles approches comme le propose Sankat Mochan Foundation ou Center of Science and Environment pour la Yamuna.

Le point positif est que la mobilisation citoyenne commence à se faire entendre face au businessman de la canalisation et du traitement.

Pour plus d’informations sur SMF :

Site internet : www.sgrlvaranasi.in

Hamner S., Tripathi A., Mishra R.K., Bouskill N., Broadaway S.C., Pyle B., Ford T.,The role of water use patterns and sewage pollution in incidence of water-borne/enteric diseases along the Ganges River in Varanasi, India. International Journal of Environmental Health Research, 2006; 16(2): 113 – 132

Veer Bhandra Mishra, The Ganga at Varanasi and a travail to stop her abuse. Current Sciences, 2005; 89(5): 755-763

Pour plus d’informations sur la pollution du Gange et les projets de dépollution, je conseille l’ouvrage suivant en anglais :

“Sewage Canal How to clean the Yamuna” écrit et publié par Centre of Science and Environment en 2007.

2 commentaires:

  1. waoo !!!!
    le scientifique est de retour ...
    c'est le rocher de sisyphe ce projet
    impressionnant ...
    very good job (in inglish in the text )
    have a good trip !!!!

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  2. Thierry dit
    Joli projet
    Heureux de voir de la science utile !
    Petit bonjour amicale de France
    PS : Michel, ci-dessus me semble trop littéraire dans ses références pour comprendre les sciences

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